Déjà 6 numéros, petit bilan?
Bilan : environ 45 auteurs. 130 textes. 600 pages. Beaucoup de sueur. Un temps dingue à lire tous les textes reçus. Pas mal de galère et merde en tout genre. Finalement un an après le premier numéro : beaucoup de fierté pour la bestiole. Mais le démarrage a été vraiment pénible et périlleux à vrai dire. Lâché par La Poste, lâchée par mon imprimeur. J’ai dû changer deux fois de formats et de périodicité, contacter des dizaines d’imprimeurs, le tout dans une urgence totale. Au final, la bête a mué d’elle-même. De la petite brochure de 16 pages, agrafée et quasi artisanale, on est arrivé à un livre relié format A5 d’environ 140 pages avec une couverture couleur et une parution trimestrielle. Pour le mieux on va dire ! Niveau ventes : Bon, c’est assez mitigé encore. On m’avait annoncé au départ, que c’était une folie de démarrer une nouvelle revue, qu’il fallait une armée de Spartacus pour faire bouger un peu le milieu éditorial, que ce serait un miracle d’atteindre 100 ventes, et finalement je m’en sors pas si mal. Chaque numéro a dépassé les 100 exemplaires vendus et je commence même à faire des chèques aux auteurs. Espérons que ça dure ! Et que ça progresse encore ! Niveau contenu : Je suis vraiment comblé de la qualité du truc ! Grosse satisfaction. Déjà, de très belles découvertes ! C. von Corda notamment (du groupe The von Corda), Comte Saltykov (émigré en Russie), Berriganovitch (frère québécois), Gabrielle Jarzynski, Isaiah Ory, Tom Buron (frères d’armes). Pas mal d’autres auteurs que je connaissais déjà et qui ont souhaité participer à l’aventure (Hugo Drillski, Al Denton, Lillian Fornaud, Heptanes Fraxion, Paul Sunderland, …) Et aussi d’autres auteurs plus « capés » qui ont également joué le jeu : Régis Clinquart (Monsieur Clinquart!), Léonel Houssam (ex Andy Vérol), Marc Bruimaud, Jacques Cauda, Pierre Denan, … Et pour finir, très grosse surprise : la participation pour ce numéro 6 de Mark SaFranko (publié chez 13ème Note).
Comment décririez-vous le cafard ?
Sale et lumineux. On va pas se mentir, le Cafard Hérétique n’est pas une revue qu’on lit pour se distraire, se changer les idées, rêver ou s’évader. Ce n’est pas le but. Tout sauf ça même. Ce n’est pas non plus une revue d’intellectuels qui regardent le monde de loin en philosophant sur un canapé. On est plutôt dans l’auteur qui se fracasse le crâne contre un mur pour faire rentrer un peu de lumière. Comme j’ai l’habitude de le dire, le Cafard, c’est une revue pleine de guerre, de beauté sale, de larmes de sang et d’amours déchirantes. Des auteurs qui se foutent à poil et qui hurlent comme des ivrognes en train de mourir. Le Cafard Hérétique, c’est la dialectique des tripes ! Plus précisément : L’idée du sale et lumineux correspond bien. On met les mains dans la merde et on y cherche un soleil. Beaucoup de désespoir (au sens : abandon de l’espoir), de sexualité minable, de désœuvrement, de perte de repères, de violence, de tragédies, d’alcool, de perversité et de folie.
C’est une littérature débridée. Sans pour autant verser dans le trash à tout prix. Ce n’est pas le but non plus. C’est l’individu qui exprime son incompréhension face au monde, qui résiste à l’absurde, et finalement qui essaye de vivre. Malgré tout. On y retrouve donc une espèce de non-conformisme individualiste et une volonté de sortir un peu du nihilisme occidental. On est à cheval entre le nihilisme et le postnihilisme pour ainsi dire. Un pont tendu vers quelque chose d’autre.
Comment est née l’idée de la création de la revue?
Avant de lancer le Cafard Hérétique, je travaillais déjà sur une autre revue, avec d’autres auteurs, Cohues. Une revue de littérature alternative, gratuite et numérique. J’étais un peu frustré de ne pas sortir de version papier aboutie, et en plus je préfère travailler seul. Du coup, j’ai lancé cette revue en totale autonomie et sans aucun fonds. L’idée est née de plusieurs réflexions sur le sujet. Des revues il en existe beaucoup. Des revues qui publient ce genre de littérature un peu moins. Des revues papier qui publient ce genre de littérature encore moins. Et des revues qui reversent des droits d’auteurs, quasiment aucune. Alors voilà, j’ai décidé de me lancer. Faire du papier, faire une revue pas trop chère mais payante histoire de pouvoir filer un peu de thunes aux auteurs (ce qui devrait être la norme quand même, c’est la fin de tout si l’auteur ne touche rien sur une vente, et dans un monde entièrement basé sur le fric, recevoir un petit chèque pour une publication, quand on écrit, c’est un peu une délivrance, c’est un peu comme une pipe dans un moment de désespoir. Et je suis auteur, donc je sais de quoi je parle), et aucune contrainte sur la forme (on trouve de véritables OVNIs littéraires dans le Cafard!). Donc voilà, j’avais mon idée : du sale et lumineux, un format papier (le « tout numérique » on y est pas encore), et de quoi filer un peu de blé aux auteurs pour leur boulot. Rien de bien sorcier au final, mais bordel, si rare ! Me restait à trouver un nom à tout ça. Kafka m’a soufflé un mot pendant une nuit de doute. J’ai pensé à Gregor Samsa et sa métamorphose, cette matérialisation du dégoût, ce dégoût qu’il provoquait car changé en cafard humain. Ce dégoût et cette peine… Je tenais ma bête. J’ai voulu lui ajouter un petit adjectif histoire d’affiner un peu la chose. L’hérétique me semblait parfait (le Larousse donne : Qui professe ou soutient des opinions contraires à celles qui sont généralement considérées comme vraies ou justes dans un groupe déterminé). En tant que nietzschéen et prônant l’inversion des valeurs (héhé), le grand Midi, je me suis dit que l’association des deux était parfaite : Le Cafard Hérétique. Sale et lumineux.
De quelle manière s’effectuent les choix éditoriaux? Peux-tu présenter ce numéro 6 ?
C’est assez simple finalement. Étant donné que je suis seul à choisir et que je sais (plus ou moins) parfaitement ce que je veux et ne veux pas, je trie les textes que je reçois (appel à textes permanent et ouvert à tous), ensuite je compose mon numéro en fonction de mon humeur, de la couverture, de l’homogénéité voulue, de la météo, de la quantité d’alcool ingérée dans la journée, de tout un tas de choses qui n’ont rien de très rigoureux. Sur le vif en fait. Sur l’instinct. En tant qu’artiste finalement (héhé bis). Bon le mérite revient quand même principalement aux auteurs et à la qualité de leur texte. Je me permets également de participer à la revue en tant qu’auteur, avec l’édito déjà, et avec mes propres textes. J’ai hésité un moment là-dessus, mais finalement je me suis dit, quitte à me poser en patron, autant assumer jusqu’au bout, et balancer aussi ma propre sauce (petit aparté personnel). Donc voilà pour les choix éditoriaux. Lecture, tri, composition. Ce qui est le plus laborieux finalement, c’est la première étape. J’ai dû recevoir plus de 500 mails depuis la création de la revue (certains avec des dizaines de textes dedans), et, j’ai voulu agir en vrai professionnel et lire l’intégralité de ce que l’on me proposait. Je me disais : « Merde, tu fais une revue, c’est bien. Tu veux du vif, du percutant, de l’hérétique, c’est bien. Mais bordel, faudrait pas lire trop vite et passer à côté d’un Kafka par exemple ». Finalement je suis assez satisfait de mes choix et j’espère n’avoir rien raté de merveilleux dans la masse de textes que j’ai reçus ! Un numéro 6 dans la lignée des précédents : des textes d’habitués, qui ont finalement un terrain de jeu pour donner le meilleur d’eux-mêmes, se renouveler, tenter de nouvelles choses, prendre des risques. Et toujours une brochette de nouveaux auteurs pour apporter un jus nouveau. Au final : de la rage, de la peur de gosse, des doutes, des putes, des amours ratées, de l’émancipation individuelle, réflexions philosophiques sur le terrain, poésie et rédemption.
Le 7 est prévu pour quand ? Un mot a son sujet ?
Si tout va bien le 7 sortira 3 mois après le 6 (revue trimestrielle oblige), et Mark SaFranko nous fera l’honneur d’être une nouvelle fois présent (si tout se passe bien). Un mot plutôt sur l’entre-deux : Sous réserve que tout fonctionne comme je le souhaite, le Cafard Hérétique, revue d’expression littéraire, sortira son premier Hors Série, sans texte ! (héhé ter). Bien qu’ayant annoncé partout, que le Cafard ce n’était que du texte, j’ai décidé du coup, par amour également pour les œuvres graphiques, de détourner un peu le truc, sans revenir sur ce que j’avais annoncé, et de me lancer dans des hors séries Cafard, en mettant en avant des artistes graphiques. Donc : dessinateurs, peintres, photographes, etc. Une revue entièrement littéraire, un hors série entièrement graphique ! Ça me semble cohérent. Du coup vers mi-Juin, fin Juin, vous pourrez trouver le hors série n°1 qui sera consacré exclusivement à Eric Demelis. Génial et torturé dessinateur qui a illustré les couvertures des 3 précédents numéros ! Et à priori, je sortirai un hors série tous les 6 mois. Un livre entièrement en couleurs, contenant le plus d’oeuvres possibles de l’auteur mis en avant. De quoi faire découvrir également les artistes en dehors des traditionnelles expositions !
Ou trouver vos numéros?
Pour l’instant la revue n’ayant de pas de diffuseur, on la trouve principalement sur le site internet, ou en commande chez les librairies. Physiquement, deux librairies l’accueillent : Le bal des ardents à Lyon, et Le Monte en l’air à Paris. Pour conclure : un grand merci à l’Incontournable Magazine, et à Philippe Deschemin, pour cet entretien, et longue vie aux Cafards !
Propos recueillis par Philippe Deschemin
L’Incontournable Magazine N°13 – Mai – Juin 2015
Site Web de la revue